samedi 22 décembre 2007

Signature


Le débordement de l'écoute est valable pour un concert à Bercy, à l'Ircam ou à la maison. Ce n'est plus l'oreille proprement dite qu'on invoque mais l'effet transcient et synésthésique du son brouillant et barbouillant la cochlée, requérant plus que l'ouïe pour mesurer l'oeuvre et sa valeur d'art; ceci n'a d'ailleurs aucun rapport avec le volume sonore, c'est un aspect de la musique d'aujourd'hui comme telle qui la distingue de son usage passé : après des siècles d'oubli des connections entre les sons et les réactions corporelles, inhumées sous les étiquettes et les dogmes comportementaux, telles que les a associées la pratique antique de l'art musical, chorégraphique et poétique, l'électricité appliquée à notre usage de la musique réinjecte le corps dans sa compréhension, dans ce qu'on prend avec, lorsque l'on se place en situation d'audition - comme si le corps alors manifestait, fût-ce assis et immobile au concert classique, qu'il atteste d'un glyphe autrement intraduisible de la réalité de l'auditeur. Il suffit de regarder la multitude des attitudes corporelles des groupes sociaux dont la musique demeure l'emblème pour en saisir l'importance; des attitudes qui eussent passé pour folles il y a peu contribuent à présent à l'expérience définitive de la cohabitation des moeurs et des goûts - soutenus à coups de parts de marché par les firmes, mot qui renvoie, étrangement, au sens de signature.

Frédérick Martin

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